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kwakizbak #42


 
 
Kwakizbak passe une main dans ses cheveux en miettes comme après une bataille, réchauffe sa bière au micro-onde et la termine sous la douche où on aurait dû le retrouver en train de malaxer son cuir chevelu avec une énergie folle, presque adolescente, si le concierge n’avait pas coupé l’arrivée d’eau.

(on ne lui suit pas jusqu’aux toilettes, on sait déjà qu’on ne lui demandera pas comment il a réussi à s’en sortir, on préfèrera l’attendre gentiment devant la porte d’entrée où, nerveux mais habillé, il découvrira (comme nous tous) un homme étendu dans une mare de sang)

– Tout le monde est imbécile, seulement certains le sont pour le plaisir et d’autres très sérieusement, et toute leur vie, récite-t-il avant de se demander si le voisin n’a pas cherché à reproduire le saut légendaire du phalanger volant. Mais il reprend sa sacoche qu’il nous avait confiée et va chercher du travail.

En bas de l’escalier il se met à gazouiller quand deux agents armés lui barrent le passage. Ils ont des confettis sur leurs épaulettes et des chaussures compensées, le rimmel a coulé, on dirait des soeurs jumelles ou deux auteurs à la mode mais sans la barbe. N’empêche qu’ils l’arrêtent.

(on ne racontera pas quelles chansons ils ont alors partagé dans le panier à salade, les flics et lui, on évitera de compter le nombre de véhicules défoncés, on changera de chaîne)

Plus tard le voisin se transforme en témoin et il affirme que Kwakizbak l’aurait laissé mourir, qu’il n’est pas un bon citoyen du tout, qu’il ne nettoie jamais les communs. On le prévient, une fois deux fois trois fois, si vous continuez à nier que vous avez enjambé un corps inanimé vous irez en prison. Kwakizbak se défend, assure que ses paupières bougeaient, qu’il a triché.

(on évitera de vous faire perdre votre temps, on s’en ira sur la pointe des pieds en attendant des jours meilleurs, on s’effacera sous un tapis de feuilles)

Mais son voisin, en rentrant, s’est brisé le cou.

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le vendredi 30 avril 2010