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quotidiennes XXXIII (14/s21)

Le décalage temporel volontaire de ces grains d’instants au regard de la tragédie que nous vivons en temps réel me fait douter encore plus que les autres semaines de son bien-fondé, de son « utilité » et poursuivre cette série aujourd’hui (ces images ont été prises en mai 2014) me paraît dérisoire tandis que je la mets en ligne. Et pourtant je continue de remonter le temps sachant d’avance qu’il y aura des jours que personne ne voudra revivre quand nous en serons là avec cette série dans dix-huit mois. Ces 146e grains d’instants, moments d’une vie ordinaire – entre étonnements, joies, inquiétudes, désirs, fantasmes, dégoûts ou retraits – , s’adressent à tous ceux qui dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 ont été visés, tués, blessés, choqués, heurtés, par des bêtes humaines armées, à tous ceux qui, après l’effroi et l’horreur, continuent de vivre dans une douloureuse attente, à ceux que j’aime et qui m’aiment et à qui je ne donne pas assez de nouvelles, à la vie qui résiste, aux enfants à qui nous ne savons pas apporter de réponses, impuissants et ignares que nous sommes face à la bêtise et à la haine. ChG (15 novembre 2015)

 


 

_plantes & zen en salle d’attente [1]
#paris #salledattente #ostéopathie #corps #corderie #lapetite

 
 

_solidarité fermée [2]
#paris #fermé

 
 

_tétons le citron ! [3]
#montreuil #citron #mamelon

 
 

_à l’ombre des jeunes filles en fleurs
#montreuil #aujardin #lesbonsplants #tomatescerises

 
 

_première fleur du chèvrefeuille / fierté du jardinier
#montreuil

 
 

_samedibeaubourg : qui regarde qui regarde quoi
#paris #aumusée #beaubourg #ombreetlumière

 
 

_sur le chemin du bureau de vote [4]
#montreuil #électionseuropéennes #dégoût #hautesherbes

 
 


_Photos : Paris, Montreuil (19-25 mai 2014)
 
_Le projet de GRAINS D’INSTANTS est de remonter le temps en images à partir du 18 avril 2012 où j’ai posté mon premier instantané sur le réseau social Instagram, en reprenant ou en modifiant les légendes et, en suivant son évolution, de voir ce que peut créer ce décalage spatio-temporel. Pour en savoir plus sur cette rubrique, suivez ce lien.

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne et dernière modification le dimanche 15 novembre 2015


[1Une amie nous recommande de prendre rendez-vous après d’un ostéopathe qui pourrait aider Lapetite à mieux dormir. L’homme est accueillant, aimable, doux avec elle. Il me pose des questions, la regarde, l’ausculte, la prend dans ses mains, se concentre, ferme les yeux, respire, la manipule. Au début elle ne dit rien puis elle commence à pleurer, un peu, beaucoup, de plus en plus fort. Il m’explique qu’il lui fait revivre sa naissance qui a été très rapide (« Boulet de canon » était l’un de ses surnoms à la clinique des Lilas). Même si tout s’est passé rapidement il m’explique que le traumatisme est réel. Les yeux de Lapetite : les mêmes que le jour de sa naissance, la première fois que je l’ai vue dehors. En moi, la même émotion – mélange de joie et de peur. Ma gorge est nouée, je suis sur le point de pleurer mais je n’ose pas, l’ostéopathe me dit avec douceur que j’ai tort : Libérez-vous, vous aussi. Dans le porte-bébé, rue d’Avron, Lapetite est calme, nous marchons un peu.

[2Je monte dans le bus 115 en direction de Vincennes, Lapetite dans le porte-bébé ; le bus repart, ça tangue, personne ne se lève, tout le monde fait mine d’être occupé, de ne pas m’avoir vu ; à l’arrêt suivant, baptisé « Solidarité » par la RATP, je ne peux m’empêcher de rire jaune. Le trajet retour, je le fais à pied.

[3Ce soir, il me semble que la moitié du citron posée sur la planche à découper a la forme d’un téton. Je me trouve lent à la détente.

[4Fête des mères et élections européennes, Pétain et Le Pen en tête : quand le dégoût des hommes est trop fort, je vais trouver refuge dans les hautes herbes.