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kwakizbak #33


 
 
Depuis le seuil de sa villa moderne Kwakizbak boit le rose de la vie en embrassant de loin ce quartier qu’il salue à nouveau grâce à Shelle, son délicieux coquillage.

– Les gens sont beaux dans leurs gestes à eux, dit Shelle.
– Ne trouves-tu pas que leur museau qui modifie le paysage suivant qu’on le voit de face ou de profil est émouvant, demande-t-il ?
– Et leurs doigts rabotés, leurs lombaires tassées, leur chevelure ficelle, leurs doigts de pieds qui se chevauchent...
– Ne trouves-tu pas qu’on se ressemble un peu, demande-t-il encore ?
– Tu parles sans doute de nos gerçures et de nos plaies, de nos myopie, hypermétropie, astigmatisme, presbytie, anisométropie, de notre oeil qui dit merde à l’autre, du compas qu’on a perdu, de nos orgelets, de notre blépharite, des beurres noirs, de nos décollements de rétine, de nos cataracte, glaucome, conjonctivite, kératite, sclérite, uvéite, trachome, de ces yeux qu’on a plus gros que le ventre, qui ne sont plus en face des trous, de notre daltonisme, du jaune dans notre iris, de nos hémorragies rétiniennes, de notre cécité et de toute cette poudre jetée au royaume des larmoyants.
– Ne nous trouves-tu pas excitants, demande-t-il toujours ?
– Tu m’étonnes Kwaky que j’aime nos lèvres violettes, vert-de-gris, gonflées, asséchées, offertes, que je la kiffe grave notre terre craquelée au bord des yeux et de la bouche, qu’elle me font triper nos cartes IGN de mains sans parler de nos culs cumulonimbés.
– Ne nous trouves-tu pas un peu trop R’n’Bisés ce matin ?
– Allons voir ça de près. Cette population enquotidiennée n’attend plus que nous, love !

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le jeudi 18 mars 2010