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kwakizbak #43

Photo © Christophe Lhomme

 
 
Kwakizbak sort du poste de police, c’est le matin, disons dix heures trente. Il longe ensuite la place des Fêtes, subtilise quelques procès verbaux qu’il glisse dans la boîte aux lettres d’une grande banque mondiale, tourne le dos à l’impasse de l’Avenir, traverse le cimetière Beauregard et change l’eau des fleurs, embrasse les vieilles dames sur les deux joues, surtout celles qu’on a photographiées, chasse quelques taupes, sort de là en tapotant ses chaussures contre un petit muret, passe sur le trottoir d’en face sans s’occuper du passage pour piétons et se prend les pieds dans un tapis vert qu’on avait sans doute dû abandonner après avoir refait la salle de jeux. Respiration. Il se relève, joue avec ses clés et sifflote. Mais voilà, à l’endroit où il y a moins d’un mois son voisin gisait dans une mare de sang, on a construit là un Multiplexe. (Tu peux faire une croix sur ta caution Kwaky.) Il fait demi-tour, ne cherche pas à me joindre, passe devant la mairie, demande au type assis derrière le guichet 3B quel banc il peut louer (c’est la loi ici), on appelle d’abord le chef de service puis un autre type moins fier que le premier et enfin l’ascenseur. Alors on lui tend un banc qui est vert-de-gris. Et il l’emporte avec lui.

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne et dernière modification le samedi 1er mai 2010