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La gambadouille est mon épopée.

En juin 2005, je partais pour la première fois sur les routes avec, dans le coffre de la voiture de location, des livres des Solitaires intempestifs (maison d’édition spécialisée en théâtre), des catalogues, des bons de commande, une valise. Le premier soir j’avais dormi à Annecy : je me souviens encore de ma courte nuit et du lac à l’aube. L’année avait été très remuante et remuée, personnellement et professionnellement. J’en garde encore des souvenirs très vifs, quelques brûlures qui au fil du temps ne sont plus douloureuses même si elles picotent légèrement parfois. Cette année-là, j’avais tenu un carnet de route et, en parallèle, un autre plus intime. Lorsque je revenais de tournée, je remettais au propre les notes prises sur le vif et les envoyais par courriel à quelques amis (trois ou quatre, pas plus). C’était comme un blog privé. Six ans plus tard, en 2011, parce que le temps avait mis les événements à la bonne distance, je décidais de croiser ces deux carnets, de passer de la friction à la fiction, de construire un road trip à la française (Va t’en, va t’en, c’est mieux pour tout le monde, publie.net) où je respecterais les circuits et où s’entrechoqueraient travail et rencontres, autoroutes et villes, ciel et bitume, heures joyeuses et attente, musiques écoutées et pensées vagabondes mais aussi les histoires d’amour qui finissent mal en général. Dix ans plus tard, à trois mois près, et après avoir changé de vie mais aussi plusieurs fois de ville et de travail, je reprends la route, en poésie. Pour Cheyne éditeur. Comme il y a dix ans, ce soir je dormirai à Annecy – mais pas dans le même hôtel. Comme il y a dix ans, j’irai voir le lac demain matin avant mon premier rendez-vous. Puis je traverserai la frontière et me rendrai en Suisse. Je ne sais pas encore si je prendrai des notes, des photos et, si oui, ce que j’en ferai (il y aura tant de villes traversées, tant de librairies à visiter, tant d’aires d’autoroute et de halls de gare, tant de chambres d’hôtel et de repas pris en solitaire, tant de paysages, il y aura tant de prénoms, de noms et de pronoms à attendre, à entendre, à comprendre, à saisir, à retenir).

Ce matin, après avoir déposé la Peugeot blanche de Cheyne au garage pour révision avant la première virée, je suis revenu à pied chez moi : une demi-heure de marche et ce trajet m’était inconnu. Soudain, avant de traverser, en tournant ma tête vers la gauche je suis tombé sur ce graff et sa légende. Je ne sais pas si je prendrai des notes dans cette nouvelle vie d’itinérance, de commis voyageur, de voyageur de commerce, mais le titre est déjà tout trouvé : La gambadouille est mon épopée.


 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le lundi 7 septembre 2015