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Laurent Herrou | 28 octobre 2003

Jean-Pierre m’a demandé : pourquoi tu n’écris pas ? Il émergeait des draps, petite tête bouffie de sommeil dans la pénombre de la chambre, huit heures du matin, j’ai trouvé que c’était une super idée. Il est resté au lit, pour profiter de ses vacances, je prends le boulot à neuf heures, j’ai donc une heure devant moi – un peu moins. D’habitude je la mets à profit pour autre chose (et j’ai bandé sous la douche en regardant mes pectoraux, et la pointes de mes seins, durcies par le froid, j’ai imaginé les mots que je disais à un homme baraqué, aux pectoraux plus larges que les miens, et les actes qui s’ensuivaient – je ne me suis pas branlé).
J’écris sur le portable, dans la cuisine, je me suis fait au portable pendant les vacances, le poste fixe va me servir pour internet, pour la webcam, pour jouir, jusqu’à ce que celui-ci joue le même rôle, et que petit à petit le poste fixe ne me devienne inutile.
Mardi matin, nous sommes rentrés hier soir, arrivés sous la pluie, nuit tombée à cause du changement d’heure, il était vingt heures de l’heure d’avant, sept donc, réveils à régler, pendules, affichages numériques. Il n’y avait aucun courrier qui m’était adressé, rien que des plis pour Jean-Pierre, mon nom n’apparaissait sur aucune lettre, aucune enveloppe, je suis passé récupérer l’excédent chez la voisine, là encore trois enveloppes pour Jean-Pierre, je n’ai pas fait de commentaires. Il a fallu que je vérifie les e-mails, une cinquantaine sur le compte régulier, là encore : rien. Je veux dire : publicités, et le programme de l’Espace Magnan (déjà une des enveloppes de Jean-Pierre), une blague d’Isabelle, un mot de remerciement pour la soirée Mystic River de la part de Georges et Françoise, un truc d’Apple. Rien des éditions.
J’ai dit : je leur envoie un mot, je dis que je suis inquiet ? Jean-Pierre a secoué la tête. J’ai essayé encore : je dis que j’ai pris des contacts sur Lyon pour une dédicace ? Il a répondu : si tu veux… J’ai réussi à gommer du texte de l’e-mail les allusions à mon impatience (je les ai écrites, puis effacées), j’ai relu le mail une fois envoyé, je parlais d’Isabelle Bourguignon, de Francis Chaput-Dezerville de la librairie Le bal des Ardents, qui nous avait accueillis avec beaucoup d’enthousiasme, Jean-Pierre et moi, hier matin, et nous avait proposé un événement groupé, dédicace expo, j’avais proposé les vidéos de Jean-Pierre, il répondait : pourquoi pas ? Mais plus tard, dans la voiture, Jean-Pierre avait hésité, il avait dit : je ne suis pas sûr de pouvoir me libérer si c’est en semaine, il avait ajouté : et pourquoi pas une présentation de H&O, de leur collection ? Ou les planches du mec qui fait des comics gay ? J’avais bandé à l’intérieur de mon caleçon à cette idée, j’étais en débardeur dans l’habitacle de la voiture, au passage des camions je soulevais les bras, étirais mon torse, cherchais leurs regards, leur moue alléchée. Le mail est parti vers Henri hier soir, j’ai fait une allusion à Montpellier, Paris, Nice et Philippe de la Fnac, la date du 3 décembre. Je n’ai pas cité Kinu – à qui cela dit j’ai envoyé aussi un petit mot rapide pour lui dire qu’Isabelle Bourguignon m’avait parlé de lui (façon de lui rappeler aussi que j’attendais quelque chose de lui sur Paris, chez Blue Book). De Céline et Olivier, toujours pas d’e-mail à propos de mon texte en avant-première. Manu a dit qu’il avait hâte de recevoir mon livre, j’ai failli glisser son nom dans le mail à H&O, parler des services de presse, mais je me suis dit qu’Henri m’appellerait bien à un moment donné, organiserait bien quelque chose, me demanderait mon avis forcément, j’attends.
J’ai conclu : « dans l’attente de vos nouvelles », j’ai effacé « (impatiente ;-) ».
Mais l’attente est impatiente, de maintenant à ce soir, à la lecture des mails, ce soir, à l’allumage du téléphone portable, aux moments aussi, où je serais seul face à mon ordinateur, dans la chambre, pour me tendre, nu, me caresser, seul, le plaisir que je prends seul, ce plaisir-là qui n’enlève rien à celui pris avec Jean-Pierre à Lyon – et les vacances ne sont pas terminées (seulement il fait très froid dans notre appartement niçois, je ne m’en plains pas, je constate, et connais les impossibilités que le froid génère – je parle de nudité, tout simplement).
Le plaisir, un mot important.
8:20.
Mon thé, amer.


_résidence Laurent Herrou | Avant | 28 octobre 2003

 

écrit ou proposé par Christophe Grossi - @christogrossi
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première mise en ligne et dernière modification le mardi 10 décembre 2013